NC : Quand vous faites un disque qui s'appelle "la menace", pourquoi la menace ? C'est Etienne RODA-GIL ?

AB : Oui, c'est Etienne et moi qu'on a pensé à ça.

NC : Pourquoi la menace ? C'est la menace de la menace ?

AB : Dans cette chanson là, il y a tout le jeu de l'esprit et de la chair, de tout ça. Mais nous on a appelé ça la menace parce que ça nous a paru rigolo, quoi.

NC : Rigolo ?

AB : Oui, c'est inquiétant, la menace. Qu'est-ce qui menace le type ? Un disque qui s'appelle la menace, moi je le vois, je dis "oh merde".

NC : Mais oui, justement.

AB : Il veut quoi, le type !

NC : Oui, il veut quoi le type ?

AB : Je ne sais pas, là vous donnez le verre vide.

NC : c'est le jocker, le verre vide, je passe ? C'est la fin, "la menace".

AB : Non, on a pas considéré ça comme ça.

NC : Comment vous travaillez, avec Roda-Gil ? Il traduit les textes.

AB : Non, c'est pas ça. C'est beaucoup plus compliqué. Donc, Etienne a un don avant tout, il est un latin, il est un catalan, donc il comprend parfaitement l'Italien et c'est très important, mais en plus il comprend le noyau du truc, quoi, c'est à dire tout ce qui est entre les lignes et qui, dans les langues latines est beaucoup plus importantes car ce ne sont pas des langues pragmatiques. Donc il recrée la chose à partir du noyau dur. Avec des mots français qui ont un son. C'est très compliqué. C'est peut-être plus compliqué qu'écrire. Mais moi je vous dis une chose, dans, je ne sais pas, dix-huit ans, qu'on travaille et qu'on a fait pas mal de choses ensemble, il n'y a jamais eu une fois qu'on s'est dit ça ne va pas. Ou que moi j'ai dit "à non, ce mot là" et lui il n'a jamais dit "ah, mais cette note là". Aussi parce que, dans le chant artistique, ou on est fait pour se marier, ou pas. Donc, moi je peux jouer avec le plus grand guitariste au monde, si on commence "ah non, mais là, ah oui mais non mais là" là non. C'est peut-être mieux le pire mais moi je suis encore pire que lui, mais, faut pas parler. Faut pas parler parce que on s'emmerde beaucoup. C'est d'un autre niveau.

NC : Comment ça s'est passé, votre rencontre avec Etienne Roda-Gil ?

AB : Ah ça c'est marrant. Cà c'est une chose, moi je jouais au "whisky à gogo" à Cannes, oh oui...

NC : Vous voyez que vous avez fait des concessions !

AB : Les hôtesses de bar elles étaient pas mal ! Et donc, j'ai joué donc pendant trois soirs, et donc je voyais quelqu'un qui était là tous les soirs, et j'ai dit "boh". Et le dernier jour il me dit, "Monsieur, vous ne me connaissez pas, mais vous êtes très bien", et moi j'ai dit "Ah oui, et bien merci et au revoir". Donc, je ne savais pas que lui aussi il avait commencé le grand succès avec Julien Clerc et tout ça... Donc après deux trois mois, je reçois une lettre de quelqu'un, et dans la lettre il y a une autre lettre. Sans rien écrit, il avait juste écrit pour son plaisir trois textes du disque italien en français. Et donc moi j'ai dit "eh bien oui", et je l'ai mis dans le tiroir. Et après quelques mois, je l'ai revu, et j'ai lu pour la première fois. Et j'ai dit "ah merde". Ca c'est pas une traduction, c'est une chose... Et je me suis mis à chanter ça, pour mon plaisir et comme tous les artistes, je suis malade d'exotisme, donc cette langue a pour moi un son différent.

NC : Mais vous parliez français, déjà à cette époque ?

AB : Oui, oui, mais c'est drôle, c'est... Et donc je l'ai appelé et voilà. Et à partir du whisky à gogo et des hôtesses de bar, on a commencé à travailler ensemble.

NC : C'est un vieux couple, quoi.

AB : EH oui.