AB : Oui, ça c'est vrai. C'était évident, parce que moi je me suis présenté dans un moment où tous les chanteurs vendaient des disques sur les histoires très justes de la conception politique et moi je me suis présenté avec "à la foire de l'est" où l'on parle de l'ange de la mort et du seigneur. Les présidents des maisons de disques ils disaient "mais le type il est fou". Pas seulement, mais quand je parle de caractère, ça veut dire, je veux pas être immodeste, mais en ce temps là, moi j'étais rien du tout, mais moi je demandais, et c'est pourquoi tout le monde disait non, je demandais pas un contrat normal. Ce qui voulait dire que je ne demandais pas de l'argent, mais je disais, "je veux pas un contrat normal"que je suis propriété de la maison de disque. Je fais un contrat moi, donc moi je produis la chose, et puis... c'est ça la chose. Donc, si vous y croyez, allez-y, si vous n'y croyez pas, vous dîtes non. Du début. Moi je suis le propriétaire de l'oeuvre. Alors c'était une chose, en ce temps là, absolument hors de question. J'étais le premier italien, à faire un contrat comme ça. Et le PDG, et je ne le dis pas parce qu'on est en France, le PDG de la maison de disques italienne était un français.

NC : Mais cette démarche, c'était un orgueil démesuré ? C'est de la mégalomanie ?

AB : Non, enfin aussi, ah, le délire de 'l'hypotence", je ne sais pas si on dit ça en français, mais évidemment, ça aussi, ça fait partie du jeu.

NC : Donc vous jouez aussi, à être chanteur.

AB : Oui, je sais pas. Dans le paquet, il y a aussi "que la chair exulte".

NC : Et quand vous êtes devant le public, ce n'est plus pareil ?

AB : Là, c'est encore mieux.Mais pas parce que les blagues, le rapport avec mon public, j'aime mon public, tout ça, qui est vrai, mais enfin...

NC : Oui, mais c'est des gens ?

AB : Oui, non mais attends, là il y a un côté encore plus beau, c'est à dire qu'il n'y a pas de médiation, c'est encore primitif. Un concert est quand même une chose encore primitive. C'est à dire que tu fais cette note là, que ce soit Branduardi ou BAAR, tu fais cette note là et la note disparait et ne revient jamais. Donc c'est un fait où c'est la chair et le sang qui vont avoir l'émotion pure. Donc, c'est très violent, même.

NC : Et là vous jouez aussi, à ça ?

AB : Non, ça ça va tout seul. Il y a des jours où ça va mieux, il y a des jours où ça va moins bien mais c'est normal, c'est...

NC : C'est du bonheur ?

AB : Ah oui oui, c'est du bonheur total. Même quand c'est dramatique, c'est du bonheur.

NC : Et c'est une espèce de drogue ? Vous pouvez vous, vivre sans la scène ?

AB : Ah oui, écoutez, moi j'ai vécu des années et des années sans la scène. Quand je me suis dédié à la musique de films, j'ai passé cinq ans sans, sans me droguer, quoi.

NC : Oui, et ça ne manque pas ?

AB : Oh, je ne me rappelle pas. Evidemment oui, parce que à moment donné je me suis dit, ok, je prends des vacances, je retourne faire des disques...

NC : Parce que dans le jeu du chanteur, il y a plusieurs cartes ? Il y a quand même la carte du succès, des bravos, de la popularité ?

AB : Oui, tout à fait. Mais là aussi, il faut bien dire que moi je fais de la musique depuis tellement longtemps...

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Un artiste qui trimbale une image totalement décalée par rapport à la personnalité de l'homme, beaucoup moins baba cool qu'on ne le pense, et beaucoup plus drôle que ses chansons le laissent imaginer.

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