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De la musique et du musicien

NC : Parallèlement à la démarche de l'artiste, il y a une démarche d'homme dans tout ce que vous faite.

AB : C'est à dire, l'hypersensibilité, comme on appelle ça maintenant, c'est une chose très très belle, c'est le talent, en même temps, si on veut, sans être réthorique, c'est aussi la petite croix que les artistes portent.

NC : Et il y a un sens, à tout ça ?

AB : Ecoutez, je ne sais pas. C'est tellement, je vous dis, l'expérience de jouerde créer des notes l'une après l'autre, c'est tellement belle, mais dans le sens vraiment enfantin, c'est tellement plein de plaisir, ... ça vaut la peine.

NC : C'est que ça, que le plaisir ?

AB : Oui, pour moi oui.

NC :Et pourtant, il y a communication, avec les autres. Il y a un message. Vous avez dit, je crois, "les notes sont des lames que l'on jette"...

AB : Oui, oui, mais si l'on reparle de l'ancien musicien, magicien "blabla", ce n'est pas un aspect social. Ca vient, mais ça vient tout seul après. C'est à dire, si tu manges la pierre juste à ce moment là, tu t'exprimes avec un langage que peut-être à ce moment là, et pas avant ou après, les gens vont comprendre.

NC : C'est le hasard ?

AB : Quelquefois tu arrives trop tôt, et quelquefois tu arrives trop tard. Quand tu es "pac" synchrone, alors ce que tu fais devient partie du patrimoine populaire.

NC : Alors vous, le synchronisme ?

AB : Il a été, il a été pas.

NC : Et quand il l'a été, et il l'est quand même, il est quasiment universel ? Parce que vous êtes un artiste international.

AB : Boh, je suis un artiste européen.

NC : Ce qui est déjà pas mal. Ce qui est déjà rare.

AB : Oh, je suis content, mais enfin oui, évidemment. Tu vois, tu écoutes quelque chose ou tu vois une peinture, et tu dis "oh merde, c'était ça, ah oui".Tu vois c'est ça, c'est ça le succès.

NC : Vous considérez, vous, que la chanson c'est un art comme la peinture ou la musique, avec un M majuscule ?

AB : Oui, si c'est fait de la façon que je vous ai dit, oui. Si c'est, ce que je ne déteste pas, mais si c'est fait d'autre façon, et bien... boh c'est aussi une manière de gagner sa vie, évidemment mais... je ne vais pas faire le missionnaire, machin tout ça, moi je déteste la réthorique, normalement je suis beaucoup plus ironique que - cet après-midi je ne sais pas, c'est peut-être qu'il n'y a pas de soleil - mais c'est ça. C'est tellement simple.

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A l'écouter, on pourrait penser que l'artiste, le musicien est une espèce d'ange, d'émanation divine, mais c'est sans compter avec l'humour, l'ironie et la lucidité de l'homme.

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AB : Quand j'étais petit, au conservatoire, mon professeur, qui était un grand pédagogue, disait " mon petit, le talent, sans le caractère, ca ne sert à rien. Alors tu dois avoir, au début surtout, tu dois avoir la force de savoir que tu es le meilleur du monde. Même si ce n'est pas vrai."

NC : Alors donc, ça aussi c'est un travail ?

AB :Ca c'est pas un travail, ça c'est un côté... Alors alors on a dit...

NC : Quoi, dégager ses doutes ?

AB : On a décrit le musicien comme si c'était un saint. Alors là il faut bien dire autre chose aussi. Il est évidemment un narcissique, un égocentrique, il se montre parce qu'il est beau, qu'il veut, il veut ça. Il faut bien le dire parce que autrement, on me fait pape demain, je veux dire. Alors il y a tout ça. C'est un mélange de diable et d'ange. C'est les deux choses à la fois.

NC : Pourquoi, parce que être narcissique et égocentrique à la fois, c'est être le "diable" ?

AB : Non, mais je veux dire, on parle pas seulement avec les dieux, on parle aussi avec les démons. La musique est aussi ça, donc. Mi loup et demi agneau.

NC : Alors, comment on fait, pour s'imposer dans le show-bizz ? On fait des concessions ? On...

AB : Non, moi j'en ai jamais fait, pas parce que je suis bien ou moraliste. Non, parce que le plaisir te fait faire ça et pas une autre chose

.NC : Mais quand vous avez enregistré votre premier disque, ça n'a pas été quand même très facile ? J'ai lu quelque part que vous étiez à deux doigts de partir en Australie...