Magazine des arts et du divertissement - MAD Mercredi 10 février 1999

Mais quel Angelo! Cela fait vingt ans que Branduardi nousséduit tout en restant lui-même !

Finalement, Angelo Branduardi traverse les années et les modes sans trop en souffrir. Ne cessant depuis son "La luna" du milieu des années 70 de vivre de sa plume à plein temps, avec des hauts et des bas, mais chaque fois avec une popularité suffisante un peu partout pour n'en faire qu'à sa tête, rester lui-même et ne pas changer un style qui lui appartient. Ainsi, durant quatre ans, a-t-il surtout composé des musiques de films (souvent primées d'ailleurs) avant de revenir à la chanson. Ainsi son nouveau "Il dito e la luna" nous offre-t-il son univers musical familier fait de cordes inspirées d'un folk un peu moyen- âgeux.

Cette période où j'ai tourné le dos à la chanson, nous a raconté Angelo, c'était parce que j'avais envie de vacances. On me sollicitait pour des musiques de films, j'acceptais. Les projets ont commencé à s'accumuler, et, là, j'ai dû faire un choix et je me suis dit que j'étais trop jeune pour me contenter de mes tiroirs. J'en ai fait beaucoup de musiques de films parce qu'on voulait ma griffe, mais, là, j'ai eu envie d'à nouveau communiquer directement. Sur scène. Dans le bon et le mauvais sens. C'est comme l'ail, que tu l'aimes ou le détestes, tu le reconnais tout de suite. On ne peut pas être un artiste de toutes les saisons.

L'EUROPE, EMPIRE DÉCADENT

Le retour du folk américain (Trisha Yearwood, Mary Chapin Carpenter, Dylan et Springsteen...) lui plaît beaucoup et en même temps le fait sourire. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Quand tu perds le truc, tu attends tranquillement qu'il repasse. Moi, j'écoute de tout...

Angelo n'est pas très tendre, par contre, avec la création européenne:

L'Europe vieillit, l'âge moyen de sa population ne cesse d'augmenter. C'est bien de s'unir dans une Communauté, mais pas pour se protéger de l'extérieur. Ça me fait penser à de petits vieux qui se mettent ensemble par peur. L'Europe ressemble aujourd'hui à un Empire romain décadent. En Italie, la natalité est la plus basse d'Europe, et les jeunes deviennent petits-bourgeois. Ils ne font plus d'enfants car ça coûte trop d'argent. Il n'y a plus de place pour le rêve.

UN PASSIONNÉ DE LA VOILE

D'habitude, Angelo choisit, pour ses textes, de faire confiance à sa femme. Cette fois, pour "Il dito e la luna", il a fait confiance au comique Giorgio Faletti: Il est très populaire en Italie. Il écrit des scénarios et des monologues. Il est très méchant, un peu comme pouvaient l'être Coluche ou Desproges en France. Je l'ai connu par hasard et j'avais envie pour mes musiques d'une âme ironique, à la limite du cynique, du sarcasme, avec un fond de mélancolie. Je lui ai passé toutes les musiques sur lesquelles il a écrit ses textes féroces et poétiques qui m'ont certainement apporté, en Italie du moins, un nouveau public.

Angelo a également travaillé avec Etienne Roda-Gil pour une adaptation française ("La menace"):

Il m'a un jour envoyé une adaptation d'un de mes textes sans que je le lui demande. Je trouvais ça très joli. J'ai étudié le français à l'école puis je me suis souvent rendu en France. J'ai fait les vendanges à Saint-Emilion, j'ai eu des fiancées françaises...

Une autre des passions d'Angelo est la voile qu'il a abondamment pratiquée sur le lac de Lugano, où il habite:

C'est pathologique. Je fais des kilomètres pour me rendre à des régates avec mon bateau, je suis capable de partir tous les week-ends des heures entières. Une fois, je ne me suis même pas rendu compte que je revenais les chevilles en sang, tellement je suis un passionné. Je tirais comme un fou et, avec l'adrénaline, je n'avais rien senti. Dès qu'il y a un orage qui s'annonce, je sors mon catamaran. Là, j'ai dû un peu arrêter les compétitions, car ça prend trop de temps. Mon studio, qui se trouve à Portofino, au bord de l'eau, se trouve à deux heures et demie de route de Lugano.

Angelo a encore d'autres projets: ses deux filles sont musiciennes, l'une violoncelliste, l'autre bassiste. Ça me plairait d'écrire pour une chanteuse. Un jour peut-être...

 

THIERRY COLJON

 

Angelo Branduardi sera le lundi 15 à l'Arenbergschouwburg d'Anvers (03-202.46.46), le mardi 16 au Cultureel Centrum de Beringen (011-42.15.26), le mercredi 17 au Forum de Liège (04-223.18.18), le samedi 20 à l'hôtel de ville de Charleroi (071-31.12.12) et le dimanche 21 au théâtre Saint-Michel de Bruxelles (02-734.16.65).

Album "Il dito e la luna" et double compilation "Studio collection" (EMI).